MARDI 21 AVRIL 2020

Emilia a 34 ans, sa peau terne reflète ses heures d’insomnie. Sa bouche naturellement pincée, ses yeux sombres sont à l’image des tracas de sa vie. Emilia porte un chemisier légèrement ouvert sur une jupe sans forme. On devine sous l’accoutrement mal fichu qu’elle est belle. Vaillante des pieds à la tête, cette valeur transpire de chaque partie de son corps : ses épaules volontaires, sa mâchoire carrée et ce regard si lucide. Elle est habile de ses doigts. Une petite fée. Le jour, elle est employée dans le pressing qui jouxte sa barre d’immeuble. « Chez Pervenche » ça sent bon le linge propre et l’amidon. Le soir, elle fait des retouches couture : un ourlet, une boutonnière, un accro. Elle a deux enfants, Judy la cadette a 4 ans, Noémie en a douze. Depuis quelques semaines, l’avenir n’existe plus, il a été remplacé par les échéances. Le coronavirus a révélé l’état de nos sociétés et plus particulièrement sa vulnérabilité. Amputée de 30% de son salaire et privée de ses petits revenus, elle n’y arrive plus. Tout a basculé du jour au lendemain. Elle connaissait les fins de mois difficiles, mais pas la précarité, pas le frigo vide le 7 du mois. La pandémie l’a jetée dans la pauvreté. Elle a honte de se l’avouer, mais l’implacable réalité est là.

Michel a 61 ans, sous ses airs revêches, c’est un tendre. C’est un hyperactif. Depuis qu’il a pris sa pré-retraite, il bosse pour la maison Croix-Rouge de Floreffe : préparation des colis alimentaires, réassort des rayons, livraisons. Il aime aider les autres, c’est son truc. En revanche ce qu’il n’aime pas, c’est d’être préoccupé. Pour Michel, on est au bord d’une importante crise sociale, et ça il le répète à tout-va. Il n’arrive plus à remplir son épicerie correctement tandis que de nouvelles têtes arrivent chaque jour. Aujourd’hui, il tire la sonnette d’alarme.

Sur le palier de l’étage 17, quand les langues se délient et que l’angoisse s’immisce dans chaque foyer, Emilia découvre qu’elle n’est pas un cas isolé. Comme Fathia, sa voisine de gauche, Corine, Simone, Caroline ou Denise, une fois le loyer et les factures payées il ne lui reste plus suffisamment d’argent pour nourrir sa famille. Emilia, c’est la Grande Dépression au temps du Covid. Hier, elle a pris son vélo, son cabas et a jeté sa fierté sur le bitume. Elle a pédalé longtemps jusqu’à l’épicerie sociale de la Croix-Rouge de Floreffe. Michel lui a donné son premier colis alimentaire. Ce soir, les filles mangeront chaud.

L’aide alimentaire de la Croix-Rouge a besoin de vous :  les nouveaux profils de demandeurs de l’aide alimentaire sont variés. Les acteurs de terrain s’accordent pour dire que l’apogée de ce phénomène est loin d’être atteint. En parallèle, la quantité d’invendus récoltée dans les supermarchés diminue et les activités rémunératrices de la Croix-Rouge sont suspendues ce qui complique l’approvisionnement des épiceries sociales. Aujourd’hui, vos dons sont primordiaux et nécessaires.

Nos équipes sont en premières lignes dans le cadre du Coronavirus, mais elles manquent de moyens. Pour poursuivre notre mission d’aide sociale d’urgence, chaque don compte. Soutenez nos équipes, faites un don. Merci !